Sa vie chez les paysans

Quand à l’âge de 8 ans, mon père est parti de chez ses parents, il ne savait pas ce qui l’attendait ni que sa vie chez les paysans durerait si longtemps! Ce jour-là en fait, a débuté sa vie dans le monde du travail! Il avait pour tâches de s’occuper du bétail, de nettoyer l’écurie, de ramasser le bois et d’aller chercher les bêtes aux pâturages même en pleine nuit par temps d’orage! Il nous avoua que bien souvent il avait eu peur dans ces nuits d’orage, mais qu’il avait un ange gardien! Une vache restait toujours derrière lui, comme pour le protéger! Cette présence le rassurait et lui donnait confiance. Il aimait « ses » bêtes. Il leur parlait, il leur confiait ses chagrins, ses peines et elles semblaient le comprendre! Pour aller à l’école, il devait marcher à travers champs presque une heure. Personne ne se disait que c’était peut-être difficile pour ses petites jambes d’enfant. Eté comme hiver il portait pour toutes chaussures…. ses sabots en bois! Par les grands froids de l’hiver, il mettait du papier journal pour les isoler un peu! Combien de fois n’a-t-il pas eu les pieds presque gelés et en sang, pincés par ses sabots craquelés par la rudesse du climat ? Il n’aimait pas aller à l’école, il s’y ennuyait! il préférait finalement travailler espérant terminer la journée après la traite des vaches! Ca n’était pas vraiment ainsi que les choses se passaient! S’il était là, alors il devait fournir plus de travail! Il lui arrivait parfois de faire l’école buissonnière, disant à son maître d’école qu’il devait travailler… S’il recevait un mot pour son hébergeur, (je ne sais pas comment l’appeler autrement), il oubliait simplement de le lui remettre! Et quand il y avait vraiment beaucoup de travail au champs, alors il disait « à la maison » qu’il avait congé! Il est devenu très vite autonome et adulte! Sa vie d’enfant s’est arrêtée à 8 ans!
Les années passèrent, il apprit à répondre aux exigences demandées avec exactitude, soin, dévouement et respect quelles que soient les demandes et les tâches à accomplir. Il était efficace, rapide et précis. Il a très vite compris qu’il valait mieux aller avec le courant que de le contrer! Il ne se rebellait jamais! Il a appris là-bas et compris, aussi jeune qu’il était, que tout allait mieux pour lui, s’il trouvait de la satisfaction et du plaisir dans l’accomplissement de ses tâches, même les plus ingrates et les plus difficiles.
Peut-être avait-il été prévu par ses parents qu’il resterait là-bas jusqu’à ses 16 ans, je ne le sais pas exactement, mais quand il atteint cet âge, son « patron » lui dit : « tu me dois deux ans de travail sans salaire, pour la nourriture que je t’ai donnée jusqu’à aujourd’hui » ! Mon père en était resté sans mots et a honoré ce contrat jusqu’au dernier jour! A  la fin du délai il a quitté ce lieu avec pour seule fortune et bagage une somme de CHF 3.60 ! Il avait réussi à faire des économies des quelques sous reçus ça et là… et avait dû les donner en guise de bouclement des comptes! Il n’avait plus rien…. mais il était content! Il avait TOUT! Une santé de fer, une détermination, un savoir-faire et une motivation hors pair. Il était confiant bien que ne sachant pas ce qu’il ferait, ni où il irait! Il a quitté les Franches-Montagnes et est parti dans la vallée, à Courtemelon. Il est entré à l’école d’agriculture et la chance lui a sourit. Un beau jour, alors qu’il était là depuis environs un an, un homme est venu voir si il n’y aurait pas quelqu’un pour travailler à sa ferme. Mon père lui a été proposé et ce fut le début d’une nouvelle étape dans sa vie.

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