Quand il a été « envoyé » à Tramelan pour y effectuer les labours avec le premier tracteur de toute la région, il était fier de la confiance qui lui était témoignée et se trouvait vraiment très chanceux! Il était travailleur, ne craignait pas la fatigue et ne comptait pas les heures. Il y avait tant à faire! Tant de champs à labourer, tant de cultures à développer en ce temps de guerre! Il aimait la vie, la respectait et se sentait un devoir de la préserver, et son travail y contribuait activement, il en était convaincu. C’est donc avec enthousiasme qu’il a commencé cette nouvelle « carrière ».
Le temps des labours battait son plein, il n’y avait, à ce moment, pas d’autres tracteurs dans la région, il était donc seul pour effectuer un maximum de travail dans les meilleurs délais! Le temps était précieux, il ne fallait pas manquer le moment des semailles. Il commençait au petit matin et ne s’arrêtait souvent que bien tard dans la nuit, ne prenant que quelques heures de repos. Il sillonnait une bonne partie des Franches-Montagnes avec son tracteur, effectuant un travail impeccable. Son premier patron avait une telle confiance en lui, qu’il le laissait négocier le prix de son travail avec les paysans. Un jour, il fut appelé pour labourer un champ que personne ne voulait retourner tant il était peu commode. Il y alla, inspecta le champ, évalua les difficultés, décréta que c’était possible et discuta avec le paysan du prix, puis commença à labourer. Quand son patron arriva pour voir ce terrain, mon père était déjà bien avancé dans son travail malgré toutes les difficultés rencontrées. Il avait déjà dû sortir deux fois son tracteur de l’enlisement! Il était ingénieux, pratique et persévérant! Ils discutèrent du périlleux de l’entreprise et son patron lui dit: « T’as discuté le prix avec lui? il faudra lui demander au moins CHF 18.- mais CHF 20.- serait mieux » et mon père de lui répondre: « et si j’obtiens plus, je garde la différence? » Persuadé qu’il n’obtiendrait pas plus que ce prix, le patron acquiesça. Mon père avait demandé CHF 22.-! Ce jour-là il avait non seulement gagné plus d’argent, mais aussi et surtout la reconnaissance et la gratitude de son patron. Il était réaliste mon père, il ne cherchait pas à tricher ou abuser les autres, il avait le sens des valeurs justes, morales et matérielles. Il aimait ce qu’il faisait, quoi qu’il fasse! Aussi loin que je me souvienne, je l’ai toujours entendu dire: « Il n’y a pas de travail qui mérite d’être mal fait! Il faut pouvoir effectuer toute tâche avec plaisir et contentement. Il n’y a pas de tâches ingrates, et il ne devrait pas y avoir d’attitudes ingrates, c’est comme ça que fonctionne la vie; faire en sorte d’être content dans tout ce qu’on accomplit pour qu’elle soit simplifiée!« Merci de ces précieux conseils papa!
Le temps passait, il était connu dans toute la région et apprécié partout où il passait.
Son engagement sans compter dans son travail lui laissait quand même des moments de libre pour descendre voir les parents de sa douce et échafauder des projets de mariage. Pour cela, il fallait d’abord qu’il ait une situation stable et un appartement! Ils avaient quand même envisagé de se marier fin 1945.
C’est au printemps 1945 que son patron lui dit que la COOP serait intéressée de l’engager pour les travaux dans les champs avec son tracteur. Mon père lui dit: « D’accord, mais il me faut un appartement, je veux me marier, j’ai besoin de quelque chose de stable et comme il faut! » En quelques semaines, tout fut arrangé! Il signait un nouveau contrat et un appartement lui avait été trouvé! Il pourrait épouser sa douce plus vite que prévu! La chance était toujours au rendez-vous! Il n’a cessé de nous le répéter: « J’ai toujours eu de la chance! »
Le temps des labours
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