Le silence des mots

Au fil de mes méditations, de mes réflexions, de ma pratique spirituelle quotidienne, je ne peux passer sous silence les souvenirs de richesse enseignés par nos parents.
Ils ne nous ont pas nourri de mots inutiles, futiles, vides de sens, non… nos parents nous ont nourri de gestes, d’exemples de vie simple au quotidien, de cohésion, de courage, de Foi. Ils nous ont montré qu’il est possible de vivre heureux en suivant les principes spirituels enseignés par les grands maîtres, sans même en avoir connaissance (des maîtres) ! Ils vivaient en toute simplicité, au plus près de leur coeur. L’un comme l’autre, avait pour règle de ne pas juger les autres, leurs façons de faire, d’agir, de penser. Ils n’étaient pas forcément d’accord avec les principes des autres mais ils les respectaient. Ils étaient cohérents ! Le silence des mots vaut beaucoup plus que la médisance, que la critique ou le mensonge, nous disaient-ils. Pas facile à mettre en pratique tous les jours,  pour nous, les enfants ! Quelques fois, il m’arrivait de penser qu’il valait mieux dire ce que j’avais à dire plutôt que de le passer sous silence. Mais le temps et la pratique m’ont montré qu’il y a une différence entre dire ce qui est, ce qui est ressenti, et porter un jugement sur l’attitude ou les dires des autres ou déformer, par intérêt, les faits ou dires !
Le silence des mots, si nous le comprenons dans son sens spirituel profond, nous ouvre grand la porte de la paix intérieure, du bonheur, de la plénitude et de l’acceptation.
Le silence des mots qui blessent, qui excluent ou qui « tuent » toute spontanéité vaut beaucoup mieux pour chacun ! Ce silence-là évite les débordements, les déchirements, les souffrances inutiles et les remords ! Il entretient et fait grandir l’amour pour l’autre, pour soi, pour la Vie. Il permet l’ouverture et le respect.
Nos parents vivaient ainsi dans une simplicité déconcertante.

Encore une fois MERCI à vous nos parents pour tant de Beauté, de simplicité et de Force !

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Aboyer

En ces premiers jours de printemps, alors que tout appelle à l’intérieur au dépoussiérage, me revient à l’esprit, un conseil que me donnait mon père alors que j’étais adolescente et que je rencontrais quelques difficultés de communication… « Ton attitude est déterminante » me disait-il, observe comment tu es, ce qui se passe en toi… ce que tu pourrais changer… Aboyer ne sert à rien ! Aboyer signifie que tu as peur… que tu te protèges de quelque chose…. Regarde autour de toi, si un chien aboie, c’est parce qu’il a peur, qu’il est surpris ou qu’il cherche a impressionner. Si tu fais pareil, c’est comme si tu te privais d’une force importante ! Chaque fois que tu as peur et que tu « aboies » sur quelqu’un, tu deviens plus faible encore. Quelle perception l’autre peut-il avoir de toi? Il ne peut que te voir comme une personne arrogante, agressive ou hautaine ! Et toi, tu ne peux que te sentir incomprise, rejetée ou ignorée ! Qui est réellement responsable de ce qui se passe en toi ? Si au lieu d’aboyer, tu prenais la force que représente ta peur, si tu la prenais comme une alliée, que tu t’appuies sur elle, crois-tu que tu serais plus forte ? Crois-tu qu’avec une force alliée tu pourrais faire face tranquillement, simplement, et dire les choses calmement ? Ne crois-tu pas qu’il te deviendrait alors plus facile de te laisser porter par le courant, au lieu d’essayer de le remonter ou de lui résister? Remonter le courant tout comme lui résister, est épuisant, cela laisse un sentiment d’impuissance… et rend agressif… observe comment tu fonctionnes … La peur fige, paralyse alors que le courage permet d’avancer… porte… pousse… tire en avant… te mène à la rencontre des autres, de toi…te facilite la vie, te la rend plus douce et plus simple ! Essaye !
J’avoue que sur le moment je ne comprenais pas toute la portée de ses mots, que je ne cernais pas la profondeur de ses propos ! Il m’aura fallu essuyer quelques épreuves encore avant d’en comprendre le sens et d’avoir le courage de prendre la peur comme une force alliée, de nettoyer, de dépoussiérer tant de scories émotionnelles enfouies… de partir à la rencontre des autres… de moi-même.
Voilà pourquoi les paroles bienveillantes de mon père résonnent dans mon coeur ! Et le printemps… dans le coeur, c’est tous les jours !

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Le temps passe

Le temps passe ! Cela fait déjà dix ans que tu nous as quittés maman et cette année, plus que toutes les autres, ta présence nous manque à toutes ! Le temps passe vite, la vie continue certes, belle et riche et nous rappelle chaque jour combien grande a été notre chance d’être choyées par toi. Combien grande a été notre chance de recevoir tant de douceur, de tendresse, de présence rassurante et de vérité de toi, comme de papa ! cette année, le jour de ton anniversaire, tu nous as manqué plus que de raison… nous aurions eu besoin de te parler, d’entendre le son de ta voix et de voir la douceur de ton sourire illuminer tes yeux si bleus et si purs… Nous avons toutes eu ce sentiment… et toutes aussi nous avons reçu, dans la profondeur de nos coeurs, la douceur de ton souvenir et la chaleur de ton sourire.
Le temps passe et pourtant chaque jour, des signes nous rappellent tout ce que nous avons eu la chance d’engranger de ton amour. Chaque jour nous en récoltons des fruits, quel que soit le nombre d’années écoulées… Ces moissons quotidiennes sont autant d’instants inscrits, gravés en lettre d’or dans le Grand Livre de la Vie, tout au fond de nos coeurs. Alors maman, bien que le temps passe, nous te disons un tout grand MERCI !
Puisse ton souvenir aimant nous accompagner au fil du temps qui passe…

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Le décès de notre frère

Après bien des épreuves surmontées avec courage, notre frère faisait preuve, au fil du temps, de la même nature que notre papa. Un premier cancer le toucha en septembre 2002. Tout comme notre soeur aînée, il s’en sortit après avoir suivi des traitements de chimio… Il changea des paramètres de son hygiène de vie, prenant conscience que la vie n’est pas une fatalité mais que tout ce qui arrive est un résultat ! Il disait : je ne peux m’en prendre qu’à moi-même, c’est le résultat de mes « conneries ». Le temps passa, tout allait bien ou presque… jusqu’au jour où un signe apparemment anodin apparut… une stase veineuse au petit doigt. Il consulta et il s’avéra que c’était un caillot qui montait en direction du cerveau… c’était le début d’une nouvelle étape. Opérations, démarrage d’un nouveau cancer, inopérable… traitements et chimio furent à nouveau son combat. C’était en 2007… peut-être 2008. Lorsqu’il nous apprit cette rechute nous en furent tous bouleversés, lui restait confiant ! « Ca ira », disait-il. « J’ai eu beaucoup de chance jusqu’à maintenant, je ne sais pas s’il me reste des jockers, mais j’ai les meilleurs médecins à mes côtés, et puis j’accepte de payer la facture de mes « conneries » ! Ne vous en faites pas pour moi, ça ira ! »
Il était magnifique, il nous partagea ses expériences, ses épreuves sans que jamais nous ne nous sentions chargés de leur poids. Il était direct, franc et lucide. Il ne se leurrait pas, il savait ce qui l’attendait… Il suivit durant pratiquement deux ans des traitements de chimio éprouvants, et pourtant il restait serein. Puis la situation se dégrada encore… Nous voyions tous venir l’échéance inévitable, et lui restait calme. Plus il vivait les épreuves, plus il ressemblait à notre papa. Plus il acquerrait de cette Sagesse, comme s’il pouvait maintenant mettre en pratique ce qu’il avait perçu et reçu de nos parents !
Après la mort de maman il s’était beaucoup rapproché de papa. Il l’appelait pratiquement chaque semaine, comme s’il avait besoin de ce contact et s’en nourrissait ! A fin 2011 le cancer flamba… le compte à rebours commençait… Il traversa chaque étape avec calme et lucidité. Nous l’avons beaucoup vu durant les derniers mois de sa vie, comme si nous avions tous besoin de ce temps pour prendre congé mutuellement… Il s’éteignit en juin 2012.
Grande fut notre peine à tous… Papa enterrait son deuxième enfant ! Il traversa cette douloureuse épreuve avec courage et sérénité. Une fois encore il nous surprit par sa capacité à accueillir les épreuves de la vie simplement comme elles arrivaient…
Le décès de notre frère renforça encore les liens entre nous, ses soeurs et nous nous sentons plus unies encore et plus proches.
Quelle belle famille !

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Les bras grands ouverts

Notre papa n’était pas homme démonstratif et expansif de ses sentiments. En tous les cas pas durant notre enfance. Pourtant il savait nous faire savoir par des gestes simples ou un regard combien il éprouvait d’amour pour chacun de nous. Après la mort de maman, il nous a montré d’autres facettes de lui, partagé ses émotions, dit plus de ses sentiments. Et lorsqu’il était au home, il était naturellement spontané et savait si bien nous démontrer son amour, son affection et sa tendresse. En voici un exemple et un souvenir particulier qui m’a beaucoup émue et nourrie. Un jour où nous étions allés lui faire une visite impromptue alors que nous arrivions le long du couloir menant à sa chambre, (lui, en sortant justement.. ) nous nous sommes trouvés à mi-chemin. Dès qu’il nous a vus, il s’est arrêté, affichant son sourire radieux, les yeux brillants de mille étincelles. Appuyant sa canne contre sa jambe, les bras grands ouverts pour nous y accueillir, il attendait, comme seul un parent peut le faire pour son enfant… que nous venions nous blottir et nous laisser embrasser. Peu importait que j’aie 54 ans, j’étais accueillie, comme un cadeau du ciel, par ce papa aimant. Quelle ne fut pas l’émotion de joie et de bonheur ressentie à cet instant ! Je me retrouvais, comme un petit enfant, courant avec ravissement dans les bras grands ouverts de son père, simplement, pour le bonheur de chacun. Débordement de joie, d’émotion, de gratitude et d’Amour ! Il était là, nous attendant, Joël et moi, pour nous serrer contre son coeur aimant… Un geste d’amour tellement simple, et tellement surprenant tout à la fois lorsqu’il nous est offert si naturellement par un papa âgé de 91ans  ! Cet instant s’est gravé dans mon coeur et le parfum de l’Amour s’y est déposé.

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Mes soeurs et mon frère

En tant que dernière de notre famille, je pourrais parler de ma fratrie, certes… mais c’est en des termes différents que j’aimerais en parler aujourd’hui. Mes soeurs et mon frère!
J’ai eu une grande soeur, qui était mon aînée, ma soeur de fratrie, celle avec qui je pouvais parler comme à une grande soeur… qui savait m’écouter et m’entendre… elle ne me jugeait pas, elle me parlait… me conseillait… m’orientait parfois si je ne savais plus par où passer… bref, elle était « ma grande soeur, » et c’est la seule que j’ai eue qui a joué ce rôle-là! Je lui en suis infiniment reconnaissante !
Il y a ma deuxième soeur! Ma soeur de coeur, ma soeur sur le chemin, ma soeur qui me rassurait, qui me protégeait, celle avec qui j’étais toute petite alors que maman était au plus mal, qui était comme une référence, un phare sur mon chemin… nous parlions, mais sans plus… je la cernais… la devinais dans sa force… l’observais dans sa marche… Nous nous comprenions au-delà des mots… des images simples nous disaient le secret de nos coeurs… C’est Ma Soeur et je lui suis tout aussi reconnaissante qu’à ma grande soeur! Elle seule a eu ce rôle-là!
Il y a ma troisième soeur! C’est elle qui avait les plus beaux cheveux de nous toutes, une vraie poupée! Paradoxalement, c’était la plus « casse-cou », un garçon manqué comme on disait…  elle grimpait aux arbres, jouait au foot, elle était aussi la plus sensible parmi mes soeurs, aux énergies subtiles et pourtant… la plus inquiète, celle qui avait besoin d’être rassurée matériellement… C’est chez elle que j’allais en vacances, elle qui me faisait réviser dictées et allemand… celle chez qui il ne fallait pas faire de bruit… et j’aimais ce silence! celle aussi qui ne peut que difficilement se retenir de projeter ses peurs comme pour les voir de loin… Avec elle j’ai appris, dans le silence, certaines leçons de la vie… Merci!!!
Ma quatrième soeur avait un rôle « d’Alice aux pays des Merveilles ». Elle me racontait des histoires qui me faisaient rêver! « La petite poule rousse » était ma préférée… Elle aimait me dire combien ses copines avaient de la chance d’avoir une petite soeur qui leur faisait tout ce qu’elles leur demandaient… j’aimais savoir qu’elle avait aussi de la chance d’avoir une petite soeur serviable qu’elle aimait! Nous avions un rapport émotionnel, donnant-donnant et j’avais l’impression que nous étions gagnantes toutes les deux! J’ai appris avec elle à donner et servir sans compter! Merci!!!
Mon frère… quand papa parlait de sa famille, il disait qu’il avait six filles et qu’elles avaient chacune un frère! Il aimait les situations qui demandent réflexions… donc mon frère… comme il était le seul que nous avions, il avait une place favorite!!! il était LE frère de chacune de nous! et nous n’en n’étions pas peu fières! Il était protecteur pour moi, nous étions complices… Il était prêt à se battre pour une de ses soeurs… et pourtant il avait un coeur en sucre d’orge! Il avait quatre ans de plus que moi, il était donc déjà grand… savait lire… j’aimais m’asseoir sur son dos et lui demander de me lire un « Tintin ». Il m’emmenait ainsi dans le monde magique des mots des grands… et je me régalais de l’entendre! Adolescent, il se voulait un dur… et avait peint son boguet … en rose!!! Il était touchant, émouvant… Nous avons partagé bien des secrets tous les deux, et ce fut le seul avec qui je le fis!
Et puis ma dernière soeur, bien que mon aînée de seize mois, elle était de taille légèrement plus petite que moi, ce qui ne me facilitait pas la tâche d’acceptation du rôle de la « petite dernière »! Je la voyais comme fragile, vulnérable et profitais de cette situation! J’étais parfois arrogante avec elle et je n’en suis pas vraiment fière! Pourtant, cette soeur a quelque chose que les autres n’ont pas… elle a des yeux comme les chiens polaires… un peu violet… avec une lumière particulière tout au fond… des yeux dans lesquels j’aimais me noyer… je m’y plongeais et trouvais une sérénité inexplicable… quand j’avais besoin de « faire le plein » c’est dans ses yeux que je me réfugiais et me nourrissais! Elle est une vraie Source Pure! Et je me régale encore aujourd’hui de cette immensité de pureté… Merci!
Dans les yeux de mes parents,  j’aimais m’y tremper… les yeux bleus limpides de maman étaient un havre de paix… les yeux bruns de papa m’impressionnaient et je me sentais passer au scanner quand je les pénétraient ces yeux! Pourtant, j’avais besoin de m’y plonger pour me retrouver… pour me lire… pour me mettre à jour!
Voilà, ce que j’ai expérimenté, ce qui s’est forgé en moi grâce à: « Mes soeurs et mon frère » au travers de chacune de ses relations particulières, et de cette vie de famille au quotidien!
Quelle richesse que d’être l’enfant d’une grande famille!

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Acceptation

Je crois que de par leur don de soi et leur confiance absolue en la Vie, la Foi qui faisait vivre et nourrissait nos parents leur apportait une force particulière pour affronter toute situation, quelle qu’elle soit. Quand le cancer frappa, en 1996 en premier lieu notre maman, ce fut certes un choc pour eux, mais ils regardèrent la situation en face, sans se voiler la face et en partageant leurs sentiments. Maman pu parler de ses peurs de la souffrance, tant elle avait vu souffrir sa propre maman, se libérant ainsi d’un grand poids. Papa de ses inquiétudes… et chacun s’en remit au Divin, comme ils l’avaient toujours fait, demandant la Grâce de traverser cette épreuve sereinement. Ils furent entendus et comblés… Acceptation!.. ils le savaient bien, après tant d’années d’expériences, que le fait d’accepter les épreuves amène toujours une solution gérable et un soulagement profond au fond du coeur. Ils en étaient témoins encore une fois. Certains pourraient se lamenter ou trouver que décidément la vie est injuste… eux, non! Toute situation était une opportunité de grandir dans leur Foi!
Et quand le cancer frappa notre soeur aînée, ils eurent la même attitude! Acceptation!!! Bien que la douleur et la surprise furent grandes, ils grandirent encore dans la Foi. Cinq ans passèrent avant qu’un deuxième cancer ne la frappe et eut raison d’elle! Voir mourir son enfant, quel que soit son âge, un enfant reste un enfant pour un parent, ils traversèrent cette souffrance de la séparation avec courage et réalisme. Ils ne pouvaient rien changer au destin de leur enfant! Ils étaient bien impuissants devant le Décret Divin! Acceptation une fois encore, de ce que la vie leur servait! Sans colère, sans révolte, simplement comme cela se présentait et selon la volonté de Dieu! Ils savaient de par leur expérience, que jamais Dieu ne fait porter à une âme plus que ce qu’elle peut supporter. Ils cherchèrent les ressources pour grandir encore dans leur Foi et trouvèrent! Que de Sagesse tout au long de leur vie! Que d’humilité et de soumission aux Voies de Dieu! Que de Beauté dans leur actions!

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Transmission

Voilà que nos parents étaient maintenant dans une nouvelle phase de leur vie! Ils avaient rempli leur rôle de parents, honoré tous leurs engagements; tous leurs enfants étaient maintenant parents à leurs tours et ils pouvaient, eux, vivre simplement leur nouveau rôle de grands-parents en toute quiétude. Ils étaient entrés dans le cycle merveilleux de la transmission si précieuse pour tous! Les parents pouvaient exercer  leur tâche en toute liberté, les petits-enfants expérimenter l’éducation de leurs parents et vivre la tranquillité et la sécurité des grands-parents. Riche était donc cette nouvelle étape pour chacun, où que se situe son apprentissage ! Autant être parents est une tâche complexe et exigeante, autant celle de grands-parents est simple et détendue… et toutes les deux sont merveilleuses! Fini les soucis d’éducation, seule incombe aux grands-parents la tâche de transmetteurs de savoir, de valeurs, d’expériences ! Et quelle belle tâche! Quelle richesse partagée ainsi… par exemple notre papa a initié tous ces petits-enfants au maniement de la hache, scie et autre serpette lors des escapades en forêts ou lors des piques-niques, de la préparation du feu et de la cuisson des cervelas piqués sur une baguette ou de l’art de cuire des pommes-de-terre ou des saucissons dans la braise! Jamais un parent n’a mis en doute ou pensé qu’il était dangereux pour ses enfants de vivre ces initiations ! Nous savions tous, la vigilance et la responsabilité dont notre papa faisait preuve. Les plus jeunes n’avaient guère plus de quatre ans quand ils ont pu expérimenter ces apprentissages ! Les filles comme les garçons étaient concernés par cette transmission ! et que dire de la découverte de la cueillette des champignons? de la découverte des forêts, des marches en montagne… Que dire de la passion du jardinage, des semis, des cultures, des récoltes? de la préparation des confitures ou autres pain, tartes et biscuits de Noël? Tant de savoir, tant de passions, tant de secrets ont ainsi été échangés entre grands-parents et petits-enfants. Quelle chance nous avons eu tous, de pouvoir vivre ces échanges en toute confiance, en toute sérénité! Et quelle chance pour nous qui, aujourd’hui sommes les grands-parents, de pouvoir continuer cette si belle tâche!
Chaque étape de la vie comporte son lot de richesses et pouvoir les vivre toutes, le moment venu, comme elles se présentent, simplement, les rendent plus précieuses encore!
Décidément, nos parents nous ont instruits et transmis tout ce qu’ils pouvaient sans faille! De toutes les étapes de leur longue vie, nous avons pu apprendre en toute simplicité parce qu’ils les ont vécues simplement, avec amour et humilité! D’autant plus grande en est la valeur!

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Engagement et responsabilité

Quand en 1975, quelques mois après le décès de notre grand-maman, j’annonçai à mes parents mon intention de vivre avec celui qui serait le père de mes enfants, j’en étais certaine, ils refusèrent purement et simplement: – « Non, pas question! Exclus ma fille que nous cautionnions une relation hors mariage… »  Ah bon? alors pas de soucis, nous nous marierons, avais-je répondu!
Engagement et responsabilité étaient des valeurs inestimables aux yeux de mes parents. Il n’était pas concevable de pouvoir vivre sans respecter ces deux points d’honneur! Pour eux, toute leur vie fut construite sur la base de ces deux attributs! Dans tous les domaines, ils avaient tenu, et se tenaient fermement et honorablement à cela! Ainsi donc, ce futur gendre vint, en toute simplicité et sincérité, demander ma main à mes parents. Ils la lui accordèrent, bien que ne j’eusse pas encore 19 ans! Non, nous n’étions pas obligés de nous marier, non!
Il ne restait plus alors qu’une seule de mes soeurs à la maison. Nous nous sommes tous mariés jeunes, voire très jeunes. Nous avions eu pour exemple ce couple modèle, et le mariage était, en toute évidence, ce que nous en avions vu avec nos parents! Donc nous pouvions, sans autres inquiétudes, nous engager à notre tour!
Je crois que ce fut une épreuve difficile pour pratiquement tous nos conjoints et une surprise pour nous tous de voir que la vie de couple n’était pas aussi facile et évidente que ce que nous avions vu vivre par nos parents. Pourtant, ils y sont parvenus, eux, sans tromperie, sans faux-semblants… En toute évidence, nous n’avions pas leur force intérieure, nous étions bien plus égoïstes et intransigeants qu’eux! Nous avions eu une vie si facile, comparativement à celle de notre papa… Nous avons donc appris, au travers de l’expérience, ces valeurs si chères à nos parents: Engagement et responsabilité, foi, confiance et partage, souci du bien-être de l’autre… l’apprentissage ne fut pas toujours facile. Notre papa nous répétait souvent: « simple ne veut pas dire facile! nous n’avons jamais prétendu avoir eu une vie de facilité, nous avons eu une vie simple! simple et heureuse! »
En fait, il m’aura fallu bien des années pour mesurer la profondeur des valeurs qu’avaient nos parents! Et quelles richesses reçues au travers de leur simplicité! Je leur fus profondément reconnaissante de la décision qu’ils avaient prise en ne me laissant pas vivre sans fondement mon apprentissage d’adulte! Mes enfants naquirent en 1979 et 1980 venant ainsi agrandir le cercle des petits-enfants. Ils étaient désormais 13! Au final… ils sont 14! belle famille!
Grande fut leur dévotion et assurée, stable, leur foi!

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Grand-maman Alexine

Nous n’avons connu qu’une grand-maman, elle a marqué notre vie d’enfants et d’adolescents par sa présence régulière chez nous. Grand-maman Alexine ! Elle a été la complice de chacun, à défendre la cause de qui en avait besoin aux yeux de nos parents… Par exemple, notre grande soeur, elle aimait les belles choses, elle était coquette et n’hésitait pas à se tailler une jupe en quelques heures… ou à tricoter un pull en moins d’une journée! Elle était incroyable, notre soeur. Elle a hérité de tous les talents de notre maman. Rapidité, efficacité, savoir-faire, créativité, intelligence sélective et vive… elle nous battait toutes aux performances du tricot et de la couture! Donc adolescente, elle s’était taillée une jupe et rêvait de s’acheter les bottes rouges qui lui plaisaient tant!… mais elles n’étaient pas du goût de nos parents… non, elle n’aurait pas ces bottes-là! C’est pour cette cause particulière que notre grand-maman Alexine prit le parti de notre soeur et réussit à obtenir les fameuses bottes rouges! En soi cela n’a rien d’extraordinaire… mais pour l’époque et aux yeux de notre soeur, cela avait valeur inestimable! Son statut de grand-mère pesait son juste poids… et elle savait l’utiliser parcimonieusement, juste ce qu’il fallait pour émerveiller les coeurs de ses petits-enfants et calmer le coeur des parents! Nous avons eu cette chance, d’avoir une grand-mère proche de nous, respectueuse de la vie de famille qu’avaient réussie son fils et sa belle-fille. Elle n’a jamais cherché à contrer l’autorité parentale, non, elle a simplement agit selon son coeur de grand-mère aimante et reconnaissante de pouvoir partager la simplicité de cette vie de famille que lui offraient nos parents.
Elle se réjouissait de chaque visite qui lui était faite, même si c’était une « visite-alibi ». Elle prenait tout comme un clin-d’oeil de la vie et partageait l’enthousiasme de chacun de nous. Nous n’hésitions pas, les trois derniers, à parcourir les onze kilomètres à vélo, le mercredi après-midi pour lui rendre visite. Elle nous amenait au tea-room du village, nous offrait une boisson et un petit gâteau et nous donnait une pièce pour aller jouer au flipper. Elle restait seule à la table, nous regardant de loin, le sourire aux lèvres, heureuse de cette complicité! Nous n’avions jamais l’occasion avec nos parents de jouer au flipper encore moins d’aller au tea-room! Nous étions comblés de ce qu’elle nous permettait et elle, était comblée de nous voir! Aujourd’hui, quand je regarde ces scènes avec mon coeur de grand-mère, je comprends tellement son bonheur à voir ses petits-enfants rayonnants!
La fin de vie de cette grand-maman a été bouleversante. Elle ne pouvait plus parler, et pourtant elle communiquait si bien avec notre papa! Il savait la comprendre comme personne! A son contact, elle était sereine, réjouie, paisible. Elle était heureuse de le voir, de nous voir, comme elle le fut toutes les années où nous l’avons côtoyée. Bien que sa vie fut mouvementée, tourmentée, elle terminait son parcours reconnaissante, aimante, soulagée et réconfortée. Elle mourut, grand-maman Alexine, en 1975. Quand je l’ai vue, morte, si belle, si paisible, mon coeur fut réconforté avec la mort! Autant j’avais été choquée de voir mon grand-père maternel mort, autant je fus soulagée et rassurée de la voir si belle! Depuis, la mort fait partie intégrante en moi de la vie, elle n’est plus une fin en soi, ni une séparation douloureuse. Elle est simplement, une étape de transformation nécessaire!
Merci grand-maman de ce que tu nous as permis de vivre, de la force que tu nous as transmise, de l’amour que tu as semé dans nos coeurs d’enfants! Nos petits-enfants en sont aujourd’hui les héritiers!

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