C’est à un rendez-vous bien particulier que notre papa a été convié lorsqu’il est entré au home ! Son installation faite, les repaires pris, autant pour lui que pour nous… eh oui ! nous avons dû, nous aussi, nous adapter au fait que nous ne serions plus les personnes les plus importantes pour lui ! Il avait désormais toute une équipe soignante pour le dorloter ! Nous devions nous mettre en retrait, laisser sa nouvelle vie prendre forme et bien qu’il ne nécessitait pas de traitement, faire confiance au personnel qui respecterait de ne pas lui administrer de médicaments par principe ! Ils ont été parfaits !
Papa, donc, quand il est entré au home avait encore une forme physique qui lui permettait de marcher chaque jour, simplement il perdait le sens de l’orientation et ne pouvait pas sortir seul, les infirmières ne pouvaient pas sortir marcher avec lui, il a donc été confié à une résidente, Aurélie. Ensemble ils sortaient chaque matin, chaque après-midi, papa attendait ces sorties… elles étaient précieuses. Quelques semaines s’écoulèrent, Aurélie appréciait la compagnie de notre papa; il était un homme de grande qualité, respectueux et de confiance. Elle l’a pris « sous sa garde », l’emmenant aux diverses activités, comme elle était en super forme et autonome elle allait à toutes… ainsi donc papa a été introduit naturellement. Il a découvert la vie du home avec joie et confiance. Aurélie devenait sa référence. Un jour où nous étions allés rendre visite à papa à l’improviste, nous le trouvâmes rayonnant, aux côtés d’Aurélie, à une animation « accordéon et danse », c’est ce jour-là que nous fîmes sa connaissance. Aurélie était veuve, résidente depuis six mois, elle reprit goût à la vie avec la compagnie de papa.
Quand la Vie donne rendez-vous au bonheur, elle n’a que faire de l’âge et du lieu ! Ainsi donc, ils furent les premiers surpris à éprouver du bonheur en compagnie l’un de l’autre. Puis le personnel du home n’en revenait pas ! C’était la première fois que des résidents vivaient un bonheur aussi simple que le leur. Ils ne cessaient de dire : « on ne sait même pas comment ça a pu nous arriver ! » Ils avaient les yeux étincelants de la Beauté du Bonheur ! Ils étaient purs et spontanés comme peuvent l’être les enfants. Nous étions tous ravis !
Maman dans ces derniers jours de vie avait dit à papa: « Tu ne resteras pas seul, tu devras continuer de vivre« ! Papa ne pouvait imaginer cela, non! Il continuerait de vivre oui, bien sûr, aussi longtemps qu’il le faudrait, mais il ne rencontrerait pas quelqu’un d’autre ! Ca il en était persuadé ! Nous ne connaissons pas les décrets divins qui nous sont réservés et nous ne pouvons pas nous y soustraire ! De cela aussi il en est devenu persuadé…
Aurélie, elle, disait: « C’est mon mari et le Seigneur qui ont mis le grand-père sur ma route » et de cela, elle en est toujours persuadée !
Ils ont passé deux ans de pur bonheur, simple, partageant tous les instants possibles de chaque jour. Deux ans dans un lieu que trop souvent chacun voit comme un « mouroir »… Le bonheur n’attend pas, il frappe à la porte de qui est prêt à l’accueillir et il réchauffe les coeurs de ceux qui ont ouvert leur porte !
Papa a eu raison de voir la vieillesse, bien avant d’aller au home, comme une richesse et non comme un handicap et une source de tristesse !
Il est dit dans le Coran comme dans la Bible : « Celui qui cherche avec ferveur, trouve » De cela aussi papa en a fait l’expérience… simplement ! et grâce à lui, nous en tirons aujourd’hui les fruits !
Archives mensuelles : octobre 2014
Home
Il y a quelques décennies à peine encore, mettre son ou ses parents au home était choquant, sujet à critique ou culpabilité… Aujourd’hui, c’est tout à fait naturel de procéder ainsi, parce qu’il n’y a pas d’autres alternatives ou si peu! Pourtant, l’image qui est véhiculée n’est pas toujours réjouissante voire même plutôt triste! Ce qui est le plus souvent retenu comme cliché, c’est des « vieux » aigris, qui n’ont plus goût à rien, qui ne bougent plus, ne s’intéressent plus à rien et sont délaissés. Or, si il y a effectivement une population de personnes âgées aigries, il y a aussi d’autres regards à poser sur ces lieux, sur ces personnes qui sont là, à attendre…
Le fait d’avoir vu notre papa vivre deux ans dans un home m’a permis de poser un regard neuf tant sur les résidents, que sur leur lieu de vie et que sur le personnel soignant et accompagnant.
Un home n’est autre qu’un lieu de retraite, dans le sens de lieu où les personnes âgées peuvent se retirer de leur ancrage en dehors de toute pression familiale ou sociale, se préparer à quitter ce qui a fait leur vie active; lieu où elles sont autorisées à oublier ce qui pourtant avait de l’importance à une époque, ce qui avait de l’importance pour l’entourage surtout parfois… où elles peuvent oublier autant le présent que le passé sans que cet oubli blesse! Ceci est bien différent que d’imaginer que c’est un lieu où elles sont mises en retrait de la vie! C’est en elles qu’elles ont besoin de se retirer, en elles qu’elles ont besoin de se rencontrer, de se raconter en toute sécurité. Le personnel soignant d’un tel établissement est justement formé à accompagner chaque individu dans son voyage vers lui-même avec patience. Il n’y a rien en jeu ! Il n’y a danger pour personne ! La vieillesse n’est pas une tare, c’est une richesse ! Elle ne devrait pas faire si peur… elle devrait pouvoir être accueillie comme est accueilli un nouveau-né, le coeur en fête et léger !
Côtoyer la vie qui s’en va est tout aussi important que de côtoyer la vie nouvellement venue! Je dirais que plus est célébrée la vieillesse, plus elle devient accueillante !
La vie au home peut être une source de grand bonheur et notre papa nous en a donné un bel exemple !
Nouvelle étape
Le temps passait, papa vivait à son rythme les changements imposés par la Vie. Il ferma progressivement son jardin, sans regrets, savourant simplement tout ce qu’il pouvait encore vivre et faire. Il acceptait comme il l’avait fait toute sa vie, le présent tel qu’il était. Quand il commença à avoir de la difficulté à parler, à ne plus pouvoir faire sortir les mots de sa bouche, il en fut bouleversé, certes, mais ne présenta jamais d’impatience ni d’irritabilité. Il acceptait les années comme un cadeau du ciel et la vieillesse comme une richesse. Il était entouré c’est vrai, mais c’était si bon pour nous d’aller passer du temps avec lui ! En fait je me demandais parfois qui entourait l’autre? Il était si présent, si content de nous voir et si peu exigeant ! Six années s’écoulèrent ainsi, durant lesquelles il s’occupa entièrement de son ménage, de la préparation de son pain, puis arriva progressivement le moment où il nous fit part de son souhait d’aller au home. Il tenait à pouvoir y aller pendant qu’il pouvait encore un peu s’exprimer. Il visita, s’inscrivit et se prépara intérieurement à cette nouvelle étape.
Le temps arriva finalement plus vite que prévu… il ne pouvait plus rester seul à la maison, nous ne pouvions le gérer à long terme entre nous. Il fut donc décidé de trouver un autre établissement rapidement. Fort heureusement, une solution se présenta, inespérée, et en quelques jours, tout fut organisé, préparé. Il était devant cette nouvelle réalité qui arrivait… Nouvelle étape de vie qu’il accueillait avec humilité. Il nous impressionna une fois encore par son acceptation des faits. Sa valise préparée, il quitta son appartement, prit congé de ce lieu où il vécut tant d’années de bonheur, ferma la porte derrière lui, serein, sans un regard en arrière… et partit. Aucune de nous, ni lui, ne pouvait imaginer à ce moment, ce qui l’attendait là-bas et ce que la Vie lui réservait ! Dans les semaines qui suivirent son entrée au home, il nous demanda de vider son appartement. Voilà ! Il avait tout laissé derrière lui… il ne possédait plus que ses quelques habits et un minimum d’affaires personnelles. Il était serein, léger et content ! Cette nouvelle étape s’annonçait, comme le reste de sa vie, simple et parfaitement naturelle !