Nous n’avons connu qu’une grand-maman, elle a marqué notre vie d’enfants et d’adolescents par sa présence régulière chez nous. Grand-maman Alexine ! Elle a été la complice de chacun, à défendre la cause de qui en avait besoin aux yeux de nos parents… Par exemple, notre grande soeur, elle aimait les belles choses, elle était coquette et n’hésitait pas à se tailler une jupe en quelques heures… ou à tricoter un pull en moins d’une journée! Elle était incroyable, notre soeur. Elle a hérité de tous les talents de notre maman. Rapidité, efficacité, savoir-faire, créativité, intelligence sélective et vive… elle nous battait toutes aux performances du tricot et de la couture! Donc adolescente, elle s’était taillée une jupe et rêvait de s’acheter les bottes rouges qui lui plaisaient tant!… mais elles n’étaient pas du goût de nos parents… non, elle n’aurait pas ces bottes-là! C’est pour cette cause particulière que notre grand-maman Alexine prit le parti de notre soeur et réussit à obtenir les fameuses bottes rouges! En soi cela n’a rien d’extraordinaire… mais pour l’époque et aux yeux de notre soeur, cela avait valeur inestimable! Son statut de grand-mère pesait son juste poids… et elle savait l’utiliser parcimonieusement, juste ce qu’il fallait pour émerveiller les coeurs de ses petits-enfants et calmer le coeur des parents! Nous avons eu cette chance, d’avoir une grand-mère proche de nous, respectueuse de la vie de famille qu’avaient réussie son fils et sa belle-fille. Elle n’a jamais cherché à contrer l’autorité parentale, non, elle a simplement agit selon son coeur de grand-mère aimante et reconnaissante de pouvoir partager la simplicité de cette vie de famille que lui offraient nos parents.
Elle se réjouissait de chaque visite qui lui était faite, même si c’était une « visite-alibi ». Elle prenait tout comme un clin-d’oeil de la vie et partageait l’enthousiasme de chacun de nous. Nous n’hésitions pas, les trois derniers, à parcourir les onze kilomètres à vélo, le mercredi après-midi pour lui rendre visite. Elle nous amenait au tea-room du village, nous offrait une boisson et un petit gâteau et nous donnait une pièce pour aller jouer au flipper. Elle restait seule à la table, nous regardant de loin, le sourire aux lèvres, heureuse de cette complicité! Nous n’avions jamais l’occasion avec nos parents de jouer au flipper encore moins d’aller au tea-room! Nous étions comblés de ce qu’elle nous permettait et elle, était comblée de nous voir! Aujourd’hui, quand je regarde ces scènes avec mon coeur de grand-mère, je comprends tellement son bonheur à voir ses petits-enfants rayonnants!
La fin de vie de cette grand-maman a été bouleversante. Elle ne pouvait plus parler, et pourtant elle communiquait si bien avec notre papa! Il savait la comprendre comme personne! A son contact, elle était sereine, réjouie, paisible. Elle était heureuse de le voir, de nous voir, comme elle le fut toutes les années où nous l’avons côtoyée. Bien que sa vie fut mouvementée, tourmentée, elle terminait son parcours reconnaissante, aimante, soulagée et réconfortée. Elle mourut, grand-maman Alexine, en 1975. Quand je l’ai vue, morte, si belle, si paisible, mon coeur fut réconforté avec la mort! Autant j’avais été choquée de voir mon grand-père maternel mort, autant je fus soulagée et rassurée de la voir si belle! Depuis, la mort fait partie intégrante en moi de la vie, elle n’est plus une fin en soi, ni une séparation douloureuse. Elle est simplement, une étape de transformation nécessaire!
Merci grand-maman de ce que tu nous as permis de vivre, de la force que tu nous as transmise, de l’amour que tu as semé dans nos coeurs d’enfants! Nos petits-enfants en sont aujourd’hui les héritiers!
Archives mensuelles : juin 2014
Un bonheur simple
Les Anciens nous quittaient laissant place à la nouvelle génération… selon les lois de la Vie! Je crois pouvoir dire sans romancer la vie de mes parents, qu’ils ont connu un bonheur simple. Au-delà des difficultés, des épreuves, de la maladie et de la tâche qui étaient les leurs, ils ont su se préserver. Ils se satisfaisaient de ce qu’ils avaient, ils n’enviaient personne. Ils ne se disaient pas que l’herbe est peut-être plus verte dans le champ du voisin, non, ils poursuivaient leur cheminement, en accord avec le plus profond de leur coeur. En cela ils ont forcément fait tout juste! Il ont su faire de chaque instant un moment de simplicité, de vérité et de force. Ils se sont réjouis à chaque épreuve dépassée, ils se sont épaulés tout au long de leur long chemin en commun. Ils ont cru l’un à l’autre, ils avaient une confiance absolue l’un en l’autre, ils pouvaient compter en tout point sur l’appui de leur conjoint. Au quotidien, tout cela compte énormément et ajoute au poids dans la balance du bonheur!
Ils étaient cohérents, et s’arrangeaient toujours pour célébrer les beautés de la vie simple. Ils n’ont effectué qu’un seul grand voyage dans leur vie: Jérusalem! Ce voyage les a nourri pour le reste de leur vie, ils en furent comblés et satisfaits! Ils ont vécu simplement ce qui est dit dans la Bible ou le Coran: « Si un seul de vos besoins est satisfait, tous le sont, Dieu pourvoit à tout. »
C’est durant leur retraite qu’ils ont profité d’arpenter montagnes et pâturages. Quand bien même nous profitions en famille des pique-niques dominicaux, ils étaient là pour tous leurs enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfant ensuite… ces moments les remplissaient de bonheur certes, tout comme nous tous. Mais les moments où ils partaient seuls, juste pour leur bonheur à eux, nous comblaient tout autant de joie, nous autres leurs enfants! Les voir vivre si amoureusement chaque instant, les écouter raconter leurs aventures et parfois mésaventures était aussi un bonheur simple qu’ils nous partageaient. Ils ont su faire de leur vie un oasis de paix au fond de leur coeur. Et je suis certaine que c’est cela qui leur a donné une vieillesse si sereine et calme, contents de tout.
Le bonheur est quelque chose de simple, qui n’attend qu’à être pris et vécu par chacun au quotidien. Chaque étape de la Vie contient son lot de bonheur, la responsabilité de tout individu de le cueillir et le faire fleurir ou de l’ignorer et le laisser faner! Ils étaient jardiniers dans l’âme, cultivateurs… ils n’ont donc pas hésité à prendre soin des graines de bonheur servies par la vie et d’en faire des parterres d’émerveillement et de grandissement simples! Ils nous ont appris qu’il n’y a pas de limite au bonheur simple jusqu’au dernier souffle!
Mon grand-père maternel
Il me reste en mémoire peu de souvenirs de mon grand-père maternel. Je me souviens qu’il était un homme de coeur. Il était simple lui aussi, aimant, souriant, attentionné. Il était très proche de maman lorsqu’elle était au plus mal, avec tous les enfants en bas âge. Il était un réconfort pour elle, un soutien, une aide morale précieuse! Lorsque j’étais encore bien petite, je me souviens qu’il était venu un jour de la St-Nicolas avec un carton plein de petits paniers en plastique de couleur pour chaque enfant, contenant cacahuètes, pains d’épices, oranges et petits chocolats ! J’entends encore maman lui dire: « mais enfin papa, tu n’aurais pas dû ! » et lui de répondre en riant: « j’ai croisé le St-Nicolas en venant, il m’a remis ce carton… » Moi, je trouvais qu’il avait de la chance de l’avoir croisé et j’étais bien contente de recevoir un petit panier garni!
Il venait régulièrement le dimanche à la maison, partageant notre repas. C’était un bon vivant. Il avait les yeux rieurs et malicieux, il aimait chanter et jouer aux cartes. C’était d’ailleurs l’occupation favorite durant les après-midis qu’il passait chez nous. Les derniers temps de sa vie, il venait accompagné d’oncle, tante et famille et maman les accueillaient simplement avec joie et bonheur. J’aimais ces dimanches!
Je ne sais pas en quelle année exactement il est décédé. A la fin des années 1960 ou peut-être en 1970, peu importe… c’était mon premier contact avec la mort. Jusque là, j’avais entendu parler d’elle mais je n’avais jamais vu de mort! De le voir lui, m’a choquée, je ne le reconnaissais pas… il était chez lui, à la maison, tout était étrange… mais paisible. Voilà que le seul grand-papa que j’avais connu nous avait quitté. Il a laissé un grand vide… mais la vie continuait pour nous et peu à peu nous nous sommes habitués à ne plus le voir parmi nous le dimanche. Il n’empêche qu’il en est resté bien présent à nos coeurs!