Après ma naissance, s’écoulèrent quelques années difficiles tant sur le plan de la santé de maman, qu’émotionnellement pour l’ensemble de la famille. Mon père craignait le pire pour sa femme et l’avenir de leurs enfants si elle décédait, les plus grandes devant vivre « sur les freins » pour ne pas surcharger maman, les oncles et tantes peignant le scénario catastrophe et ne sachant plus comment être face à ces enfants. En 1960 maman a reçu l’Extrême Onction; chacun retenait son souffle! La Vie n’avait pas encore dit son dernier mot! Notre maman se remit, elle fit quelques cures de repos, reprit des forces, fit un séjour en clinique spécialisée pour le traitement de l’épilepsie et comble de tout, allait beaucoup plus mal avec les médicaments qu’ils testaient sur elle, qu’avant de partir en clinique! Elle décida donc de quitter ce lieu, d’arrêter ce traitement qui ne lui convenait vraiment pas du tout et prit sur elle la responsabilité de ce qui pourrait advenir d’elle suite à cette décision. Mon père alla donc la rechercher et son médecin trouva un traitement qui permit de stabiliser les crises. Peu à peu la vie reprenait son rythme, la confiance et la foi étaient une fois encore plus fortes que la peur! Durant ces années-là, même si nous n’avons pas eu conscience de tout ce qui se jouait pour nos parents, malgré les séjours de maman en cure, nous avons connu des moments heureux. Nous n’avions peut-être pas l’insouciance des enfants de notre âge, mais nous étions des enfants heureux parce qu’aimés sincèrement! A travers ces épreuves, nos parents on dû vivre au maximum le moment présent sans perdre leur temps! Chaque fois que nous avions l’occasion de partir en forêt ou en famille au bord du Doubs, quand papa conduisait le car postal, c’était une fête pour tous! Le bonheur avait un goût de simplicité et d’authenticité! Papa veillait durant ces journées à épargner toute tâche à maman. Il s’occupait de tout et de tous! Simplement… naturellement!
Archives mensuelles : février 2014
Les dernières naissances
Dans les années cinquante, la vie avait encore tous ses droits, et pour mes parents ils ne se discutaient pas. La Vie était à respecter, à honorer, à accueillir! Ils avaient des valeurs morales et ne remettaient pas en question les surprises, aussi déstabilisantes soient-elle, qu’elle leur réservait. Ainsi donc quand une nouvelle grossesse s’annonça en 1955 en dépit de tout ce qui leur fut dit, ni ma mère ni mon père n’entra en question sur l’éventualité d’un avortement. Ils trouveraient l’un comme l’autre des ressources et feraient face à la venue de ce nouvel enfant! Ils avaient la foi et rien ne pouvait l’ébranler! Maman savait par expérience que « demande et tu recevras » était fondé et accordé quand la demande était sincère! « Ta Miséricorde Seigneur, seule je n’y arriverai pas » était toujours sa prière!
Ils se réjouirent de cette venue, comme pour tous les autres! Elle était fatiguée, certes, mais ce temps de grossesse lui laissait du répit et la mettait à l’abri des crises d’épilepsie. C’était déjà un grand soulagement! En octobre, naissait leur sixième enfant, une petite fille! Quand ma mère parlait de la naissance de ses enfants, c’était toujours avec un amour débordant qu’elle le faisait. Elle disait d’abord sa joie avant de dire sa fatigue et son épuisement. Elle offrait à chaque bébé le meilleur d’elle-même, comme si c’était le premier qu’elle mettait au monde! Elle disait que s’occuper d’un nourrisson lui donnait de la force. Elle arrivait à oublier tous ses tracas dans ces moments-là. Elle était juste disponible à ce qu’elle accomplissait…. et il y avait cinq autres enfants!
C’est après cette naissance que ma mère a eu la chance de voir venir une aide familiale en or: Mademoiselle Barth! Jeune femme de confiance, dynamique, aimante, joyeuse, aimant les enfants, elle fut un réel soutien pour notre famille et entre elle et nous tous se tissa des liens particuliers.
Le temps passait, chacun grandissait à son rythme, et voilà…..pas le temps de dire ouf, que la vie à nouveau sonnait à la porte! Je m’annonçais pour le début 1957! Bouleversement! Tout recommençait…. les avertissements du médecin quant aux dangers pour la santé de ma mère, la gravité de son état d’épuisement… il était vraiment beaucoup trop risqué de garder cet enfant! Le médecin avait dit à ma mère: « Croyez-vous que c’est votre bon dieu qui va s’occuper de vos gamins quand vous serez morte? »
Oui, ma mère avait la certitude au fond de son coeur, que « son Bon Dieu » comme disait le docteur, Il veillerait sur la vie qu’Il lui confiait! Si un enfant devait encore faire son entrée dans cette famille, alors oui, elle était convaincue qu’elle trouverait la force, elle avait la foi que « Dieu ne demande jamais plus à une âme que ce qu’elle peut assumer! » C’est sur cette certitude intérieure que ma mère s’est appuyée pour mener à bien sa grossesse et m’accueillir! Quelle force! Je suis toujours profondément touchée quand je pense à la sincérité d’amour et de foi avec laquelle nous avons été accueillis, tous les sept!
Quelques mois seulement après ma naissance, sa santé s’est fortement aggravée, sa vie était semblait-il en danger, nous avons été emmenées toutes les deux dans une maison de repos, les six autres enfants avaient été placés chez des voisins, des tantes ou parrains-marraines. Moments difficiles pour tous! Il est vrai que les dernières naissances ont mis à rude épreuve la santé de maman et qu’elle a traversé des moments plus que critiques, mais chaque fois, elle en est sortie plus reconnaissante et forte dans sa foi. Mon père comme ma mère étaient taillés dans ces bois durs au coeur tendre, résistants aux rudesses du temps, ne perdant rien de leur noblesse et de leur grandeur d’âme! La douceur de leur coeur, s’ils ne pouvaient pas la manifester directement, se lisait constamment sur leur visage ou tout au fond de leur regard.