Alors que ma grand-mère avait fait son entrée dans notre famille, mon père en parallèle retrouva son père! C’était son premier contact depuis qu’il avait huit ans!
Je n’ai que peu de souvenirs et d’informations sur la fréquence de leurs rencontres. Je sais que mon grand-père paternel, après la séparation avait, lui aussi, traversé une période bien particulière. Il était descendu dans la vallée, et avait été engagé comme « garçon de ferme ». Il était connu pour être un brave homme, travailleur, discret et personne ne savait, là bas, qu’il était père d’une nombreuse famille! Ce que je me souviens des dires de mon père, c’est que ces retrouvailles avaient été fort importantes pour lui (mon père)! Il pouvait le revoir tel qu’il était à ce moment-là. Jamais mon père n’a émis de jugement sur la vie qu’avaient eue ses parents. Il n’a gardé aucune rancune envers eux, malgré les blessures gravées dans son coeur d’enfant!
Dans les derniers moments de vie de son père, il était présent! C’était peut-être en 1962 que mon grand-père décéda. Il fut enterré le 31 octobre, Aucune de mes soeurs ne se souvient d’avoir vu ce grand-père! Le plus important étant tout de même que père et fils aient pu se retrouver à temps! Ainsi donc nos grand-parents avaient repris leurs places dans cette grande danse de notre constellation familiale!
Ce qui me reste de tout cela, c’est l’attitude de mon père! « Savoir accueillir ce qui est, simplement comme cela est. Le passé étant passé et ne pouvant pas être changé, il ne sert à rien de le ressasser » disait-il. « L’important étant de profiter de ce que le présent permet, parce qu’on ne sait pas combien de temps il nous est encore prêté! » Voilà ses plus belles leçons de sagesse par l’exemple qu’il donnait… Précieux enseignement!
Archives mensuelles : janvier 2014
Rencontre inattendue.
Les enfants grandissaient, la vie s’organisait, les aînées ayant leurs tâches à accomplir pour seconder maman!
Un jour, sonna à la porte, une dame inconnue de ma mère. Une femme vêtue d’une longue et élégante robe, d’un grand chapeau, une femme belle et troublante. Elle demanda à maman si elle était bien l’épouse de Gérard, puis se présenta : « Je suis sa maman! » Ma mère en resta bouche bée! Voilà bien là une rencontre inattendue! Sa belle-mère? Elle se sentit soudain bien chancelante….En un éclair elle pensa: « Si au moins elle avait prévenu de son arrivée, je m’y serais préparée, je ne suis pas tellement présentable pour une première rencontre » …. Reprenant ses esprits elle lui dit: « Vous auriez dû nous avertir, Gérard n’est pas là, mais je vous en prie entrez! Je suis Marie-Louise, bienvenue! Je suis bien contente de faire votre connaissance! » Ce fut la première rencontre, et entre ces deux femmes se tissa un lien merveilleux!
Notre grand-mère avait eu une vie bien difficile depuis la séparation d’avec ses enfants. Elle avait traversé de grands tourments, connu la misère, la faim, le froid. Avait dû trouver un emploi, pas facile en ce temps-là pour une femme divorcée, privée de presque tous ses enfants, sauf un, Joseph, qui avait un léger retard de développement. Il n’était pas simplet, il était simple, gentil, bon. Je ne sais pas à quel moment Joseph a rejoint sa mère, mais à cette époque-là il vivait avec elle à Bienne, dans les combles d’une maison. Il avait une chambre et ma grand-mère une autre. Ils se débrouillaient tous les deux comme ils pouvaient! Notre grand-mère avait besoin de connaître la famille de son fils et surtout de renouer un lien avec lui! C’est une belle-fille chaleureuse et attentive qu’elle rencontra ce jour-là, elle lui ouvrait la porte de sa maison et de son coeur. Elle était le « maillon » qui lui permettrait de renouer avec son fils tant aimé!
C’est ainsi que débutait une nouvelle tranche de vie pour mes parents et leur famille grandissante. Une grand-mère faisait son entrée bienvenue et reprenait sa place dans cette saga! Quel bonheur!
Au fil des rencontres, ces deux femmes ont partagé bien des confidences, se sont racontées, confiées l’une à l’autre. il arrivait parfois que papa évite le regard de sa maman, comme s’il lui était difficile d’entendre ces souvenirs douloureux d’enfant. Mais sa mère, il l’aimait! Je crois qu’il était soulagé finalement, et rassuré aussi de savoir que sa mère et sa femme s’entendaient si bien. C’était aussi pour maman, une présence à ses côtés, un appuis. Et pour les enfants, quelle joie de les connaître, cette grand-mère et cet oncle Joseph! Lui qui aimait chanter, jouer au loup, faire rire les enfants et jouer en forêt! En hiver, il faisait du patin à glace avec les filles. Il faut se rappeler que c’était dans les années 1950 – 1960, les patins… c’étaient des patins à vis, fixés sur les chaussures et comme ils ne tenaient pas trop bien, oncle Joseph les attachait avec des ficelles! Mes soeurs étaient mortes de honte lors de leur première sortie! Leurs copines trouvaient cela très drôle et finalement, il riait tellement oncle Joseph, jouant, insouciant de son « look » que mes soeurs en oublièrent leur honte et se laissèrent transportées par sa joie de vivre et sa bonne humeur! Elles connurent des moments inoubliables avec lui! Il partageait ce que notre papa ne pouvait faire et cela apportait de la sérénité à tous!
Maman aimait les voir à la maison tous les deux! Elle avait une grande confiance en cet oncle Joseph. Il était une aide précieuse, non seulement il s’occupait des aînées, mais il l’aidait beaucoup dans ses tâches ménagères.
Besoin d’aide
Après la naissance de son quatrième enfant, notre maman était si fatiguée qu’elle a eu besoin d’aide. L’épilepsie, cette maladie encore si mal connue, était difficile à gérer. Il n’y avait pas encore de médicaments bien au point pour palier aux crises. Son médecin a cherché et en a testé plusieurs avant d’en trouver un qui lui convenait pas trop mal! Il lui a conseillé et même interdit tout autre grossesse! Bien que ce fut une étape difficile pour elle, maman restait confiante et s’en remettait encore et toujours à la bienveillance divine pour arriver à faire face à ses obligations et à ses joies de maman. Elle veillait à ce que ces quatre filles ne manquent de rien. Elles étaient toujours habillées avec soin et maman prenait plaisir à la confection de leurs vêtements malgré la fatigue!
Parmi les soeurs de maman, l’une ou l’autre venait régulièrement pour la décharger et s’occuper des enfants. C’était finalement une chance, non pas que maman soit fatiguée, non, mais que ces tantes viennent à la maison! Un lien s’est tissé entre elles et les filles, une confiance s’est installée en ce temps-là et reste aujourd’hui encore une richesse de souvenirs dans le coeur de mes soeurs. Notre papa trouvait qu’il était vraiment chanceux d’appartenir à cette famille! Il y trouvait du soutien et un soulagement quant à la présence de ses belles-soeurs auprès de maman. Il pouvait travailler plus sereinement et savait que si quelque chose de grave devait arriver à sa femme, il pourrait compter sur cette belle-famille! Il en est resté si reconnaissant!
Ils étaient fiers de leur famille qu’ils croyaient au complet!
Mais comment aller contre les décrets divins??? Durant trois ans, les naissances ont été maîtrisées, puis, sans crier gare, une nouvelle grossesse s’est profilée! Malgré les remarques et conseils du médecins, mes parents ont décidé de garder cet enfant; quelles que puissent en être les conséquences, ils y feraient face! La vie était sacrée et la venue d’un enfant une réjouissance sans pareil! Ils avaient une foi inébranlable! Ce fut un bonheur pur et jamais ma mère n’a eu de crise durant les grossesses ou alors qu’elle s’occupait d’un enfant. Jamais un accident ne s’est produit! Ils servaient la vie, la Vie les servait et les protégeait!
Après la naissance de notre frère, une ou deux jeunes filles au pair se sont succédées sans grand succès! Il n’était pas facile pour une jeune fille de faire face à la réalité d’une grande famille!. Une aide familiale a donc pris le relais pour décharger maman du repassage et de certaines tâches ménagères. Maman appréciait la venue occasionnelle d’Yvonne, la nièce de ses anciens patrons. C’était sa seule amie, elle amenait un peu d’insouciance et de fraicheur et faisait rire les enfants et maman!
La vie était éprouvante pour mes parents, et pourtant ils ne s’en sont jamais plaints! Ils restaient reconnaissants de tout ce qu’ils avaient à vivre: les belles choses, les difficultés, les épreuves, les joies et les peines, de TOUT! Quel merveilleux exemple ils furent!