Quand il avait appris que tout était arrangé pour son nouveau contrat, qu’un appartement lui avait été trouvé, il accepta l’offre. Et voilà mon père engagé à Tramelan par la Coop pour y effectuer les travaux aux champs avec un tracteur. Une tâche qu’il connaissait bien maintenant! Il aimait le travail bien fait, et surtout aimait donner satisfaction! Il travaillait sans relâche!
Il pouvait maintenant envisager d’épouser sa belle au plus vite! Quand il lui avait appris la bonne nouvelle, qu’il fallait qu’elle revienne pour qu’enfin ils unissent leurs destinées, ma mère en avait avertit ses patrons et tout alla bien vite! Ses patrons, à ma mère, étaient bien déçus de la voir partir! Il faut dire qu’ils lui avaient, plus d’une fois, demandé si vraiment elle ne voulait pas épouser leur fils. C’était un bon parti! Ils pourraient reprendre ensemble l’entreprise! Elle serait une épouse comblée et ne connaîtrait pas de soucis d’argent! Mais rien n’y faisait! Cette jeune femme aimait ce jeune homme simple et honnête qui lui proposait une vie plus modeste, certes, mais tellement plus riche à ses yeux, parce qu’il y avait tant d’amour entre eux! Elle croyait en lui, persuadée que c’était lui, l’homme de sa vie! Et elle ne s’était pas trompée! C’était bien l’homme avec qui elle partagea pratiquement soixante ans de sa vie, jusqu’à son dernier jour! Voilà, elle quitta donc la Suisse allemande pour épouser ce jeune homme qui l’avait tant impressionnée lors de leur première rencontre! Ma mère a posé ce regard émerveillé et respectueux sur mon père dans toutes les situations, les plus difficiles comme les plus réjouissantes!
Le mariage fut fixé au 14 juillet 1945! Il n’y avait plus de temps à perdre! Il fallait préparer un trousseau, acheter de la vaisselle, des meubles. Comme mon père n’avait pas un grand salaire, il n’avait pas pu mettre beaucoup d’argent de côté, mais il était bien décidé à offrir à sa douce le meilleur de ce qu’il trouverait! Il contracta donc un emprunt pour les meubles! Ce fut le premier de sa vie….. et le dernier! Ils avaient choisi ensemble les meubles, il fallait qu’ils durent toute une vie, donc ils choisirent la qualité. Mon père se débrouillerait pour le remboursement! Tout était prêt pour ce grand jour! La célébration de leur mariage fut simple, ils partagèrent le repas de midi en famille puis en fin d’après-midi prirent le train et le bus pour rentrer chez eux! C’était leur premier jour d’une longue et heureuse histoire! N’ayant pas beaucoup d’argent, ils partirent le lendemain en « voyage de noces » à Einsiedeln! Ils avaient une foi inébranlable et trouvaient tout à fait normal d’aller remercier pour la chance qui leur était offerte, pour cette nouvelle vie qui s’ouvrait à eux, pour la future famille qu’ils souhaitaient avoir et pour qu’ils aient la santé et la force de faire face à toutes situations! Durant toutes leurs années ensemble, ils allèrent en pèlerinage pour leur anniversaire de mariage dans ce lieu saint et renouvelaient leur gratitude! Mon père, tenait à s’y rendre chaque année, même après le décès de ma mère. Il y trouvait nourriture pour son âme et aimait à se remémorer ce premier voyage! Mes parents ont fait de leur vie une louange à Dieu!
Archives mensuelles : novembre 2013
Le temps des labours
Quand il a été « envoyé » à Tramelan pour y effectuer les labours avec le premier tracteur de toute la région, il était fier de la confiance qui lui était témoignée et se trouvait vraiment très chanceux! Il était travailleur, ne craignait pas la fatigue et ne comptait pas les heures. Il y avait tant à faire! Tant de champs à labourer, tant de cultures à développer en ce temps de guerre! Il aimait la vie, la respectait et se sentait un devoir de la préserver, et son travail y contribuait activement, il en était convaincu. C’est donc avec enthousiasme qu’il a commencé cette nouvelle « carrière ».
Le temps des labours battait son plein, il n’y avait, à ce moment, pas d’autres tracteurs dans la région, il était donc seul pour effectuer un maximum de travail dans les meilleurs délais! Le temps était précieux, il ne fallait pas manquer le moment des semailles. Il commençait au petit matin et ne s’arrêtait souvent que bien tard dans la nuit, ne prenant que quelques heures de repos. Il sillonnait une bonne partie des Franches-Montagnes avec son tracteur, effectuant un travail impeccable. Son premier patron avait une telle confiance en lui, qu’il le laissait négocier le prix de son travail avec les paysans. Un jour, il fut appelé pour labourer un champ que personne ne voulait retourner tant il était peu commode. Il y alla, inspecta le champ, évalua les difficultés, décréta que c’était possible et discuta avec le paysan du prix, puis commença à labourer. Quand son patron arriva pour voir ce terrain, mon père était déjà bien avancé dans son travail malgré toutes les difficultés rencontrées. Il avait déjà dû sortir deux fois son tracteur de l’enlisement! Il était ingénieux, pratique et persévérant! Ils discutèrent du périlleux de l’entreprise et son patron lui dit: « T’as discuté le prix avec lui? il faudra lui demander au moins CHF 18.- mais CHF 20.- serait mieux » et mon père de lui répondre: « et si j’obtiens plus, je garde la différence? » Persuadé qu’il n’obtiendrait pas plus que ce prix, le patron acquiesça. Mon père avait demandé CHF 22.-! Ce jour-là il avait non seulement gagné plus d’argent, mais aussi et surtout la reconnaissance et la gratitude de son patron. Il était réaliste mon père, il ne cherchait pas à tricher ou abuser les autres, il avait le sens des valeurs justes, morales et matérielles. Il aimait ce qu’il faisait, quoi qu’il fasse! Aussi loin que je me souvienne, je l’ai toujours entendu dire: « Il n’y a pas de travail qui mérite d’être mal fait! Il faut pouvoir effectuer toute tâche avec plaisir et contentement. Il n’y a pas de tâches ingrates, et il ne devrait pas y avoir d’attitudes ingrates, c’est comme ça que fonctionne la vie; faire en sorte d’être content dans tout ce qu’on accomplit pour qu’elle soit simplifiée!« Merci de ces précieux conseils papa!
Le temps passait, il était connu dans toute la région et apprécié partout où il passait.
Son engagement sans compter dans son travail lui laissait quand même des moments de libre pour descendre voir les parents de sa douce et échafauder des projets de mariage. Pour cela, il fallait d’abord qu’il ait une situation stable et un appartement! Ils avaient quand même envisagé de se marier fin 1945.
C’est au printemps 1945 que son patron lui dit que la COOP serait intéressée de l’engager pour les travaux dans les champs avec son tracteur. Mon père lui dit: « D’accord, mais il me faut un appartement, je veux me marier, j’ai besoin de quelque chose de stable et comme il faut! » En quelques semaines, tout fut arrangé! Il signait un nouveau contrat et un appartement lui avait été trouvé! Il pourrait épouser sa douce plus vite que prévu! La chance était toujours au rendez-vous! Il n’a cessé de nous le répéter: « J’ai toujours eu de la chance! »
A ma mère
Je ne peux m’empêcher de faire une entorse à la chronologie du récit… Mais les souvenirs vont de pair avec la saison et je tiens à rendre aujourd’hui un hommage à ma mère qui fut si douce et aimante et qui avait une patience infinie avec les tout petits! En tant que dernière de la famille, je ne me souviens que du regard que je la voyais poser sur nos enfants, et ses arrières-petits-enfants. Quand je percevais cette bienveillance et l’amour qu’elle déposais ainsi sur eux, je me disais que nous avions vraiment beaucoup de chance de l’avoir eue pour maman, parce qu’elle avait forcément posé ce même regard sur chacun de ses enfants! Maman, un Grand Merci!
C’est l’automne, avec sa palette de couleurs chatoyantes, ses brumes, ses pluies torrentielles, ses lumières mystérieuses et surtout ses tapis de feuilles mortes! Quand je marche dans la forêt quelque soit le temps, je ne peux m’empêcher de traîner les pieds dans les feuilles, comme nous le faisions avec toi! Aussi loin que je puisse me souvenir, je retrouve cette joie inscrite sur ton visage et ce rayonnement dans tes yeux, alors que nous marchions dans les feuilles mortes. Ca fait déjà bien des automnes que tu nous as quittés et pourtant ta présence à mes côtés, je la ressens si fort !
Tu es partie en nous laissant une douceur au coeur et dans le regard, à tel point que quand je regarde mes petits-enfants, il m’arrive parfois de ressentir que c’est la douceur de ton regard qui est posée sur eux, à travers mes yeux, et cela me remplit de joie et me bouleverse tout à la fois! Cette chaleur que tu nous as si généreusement donnée, transmise, elle me fait du bien encore aujourd’hui, quand bien même je suis moi-même grand-mère! Il n’y a pas d’âge pour se sentir l’enfant bien-aimé de ses parents… comme il n’y a pas d’âge pour poser un regard aimant sur ses enfants et petits-enfants ….. Merci de tant d’Amour reçu et de tant de Beauté regardée.