Que serait la vie sans les banalités quotidiennes ? Sans ces petits riens qui jalonnent le parcours de chacun, quel que soit son activité, son histoire, ses origines ? Ces petites choses devenues si familières qu’elles en sont presque invisibles ? Ces gestes accomplis par habitude, sans même s’en rendre compte, sans plus y prêter attention ? Eh bien, je crois que la vie serait bien morose et triste, vide de sens sans cela !
Plus les années passent, plus je me rends compte que les banalités, ces petits riens, ont une importance capitale ! Oui ! Banalités, joyaux de la vie… c’est ce que ressentent mon coeur et mon âme au fil des jours ! Banalités… simplicité… Ne sommes-nous pas constitués de simplicité ? D’éléments purs et simples, dépourvus d’artifices ? Ne sommes-nous pas issus d’une Source d’Amour simple ? Tellement simple, que cela paraît impossible ? Tous les gestes qui façonnent l’être, ne sont-ils pas simples ? Pourquoi croire qu’il faille tout compliquer, ré-inventer et sophistiquer ? Pourquoi ne pas s’éveiller simplement à la beauté naturelle des choses et des actes ? Des gens qui nous entourent ?
Nous avons eu la chance d’avoir des parents qui vivaient simplement, accomplissant le plus naturellement du monde les banalités du quotidien avec toutefois une profonde gratitude ! Leur force, leur foi, j’en suis certaine, ils les tiraient de ces joyaux …
Et si nous prenions le temps aujourd’hui, de poser un regard bienveillant et conscient sur ces gestes accomplis par habitudes ? Si nous prenions le temps d’observer ces banalités quotidiennes… de les regarder vraiment… de les découvrir avec simplicité et amour… n’y verrions-nous pas une richesse immense ? Ne découvririons-nous pas des joyaux précieux qui ne demandent qu’à être partagés ?
Banalités, force de vie… de joie… de bonheur… de rire et de sourire…
L’extraordinaire est-il autre chose que « l’ordinaire extra conscient » ou que « l’extra » banal ?
A bien y regarder, les banalités sont bien plus importantes qu’elles n’y paraissent !
Banalités, véritables joyaux de la vie ! Puissent-elles ne pas déserter notre quotidien !
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Les mots tendres
Alors que nous étions enfants, je ne me souviens pas d’avoir entendu nos parents s’appeler par un nom « tendre » particulier comme nous le faisons presque tous aujourd’hui. Chéri(e), chou, mon amour ou tout autre… non, ils s’appelaient « papa » ou « maman » mais dans ces mots-là il y avait toute la tendresse et le respect qu’ils se portaient. Dans la profondeur de leurs regards il y avait plus de douceur que dans les mots tendres qu’ils auraient pu se dire !
Les mots tendres que nous disait maman paraissaient banals, mais quand elle nous disait par exemple: « Viens ma petite fille » alors que nous avions besoin d’un câlin, d’un réconfort, d’une présence, de son attention… nous savions que c’était sa façon de nous dire combien elle nous aimait, combien elle était attentive et bienveillante ! Les quelques minutes passées dans ses bras ou sur ses genoux nous remplissaient bien plus que de simples mot tendres ! Je ne crois pas avoir manqué de marques de tendresse de la part de nos parents, non, je dirais aujourd’hui que nous avons reçu, simplement, le contenu d’un cadeau magnifique, qui n’était pas emballé dans un papier ! N’est-ce pas le plus important, le contenu ? Et un cadeau n’a-t-il valeur qu’en fonction de son emballage ? Non… La valeur d’un cadeau est celle qu’on lui accorde, et ce que nous ont appris nos parents à travers cette simplicité est que la sincérité d’un geste en dit plus qu’un mot dit par habitude, ou par politesse pour ne pas blesser alors que l’intention n’y est pas forcément !
Leçon de sagesse
Je ne peux pas dire que nos parents étaient pauvres, non, parce que nous avons toujours eu suffisamment à manger et nous n’avons manqué de rien de vital; je ne peux pas non plus dire qu’ils étaient riches, non, le salaire de mon père n’était pas suffisant pour accumuler fortune ! Et pourtant, ils nous ont transmis des valeurs essentielles. Par exemple, eux qui ont calculé tous leurs petits sous pour « nouer les deux bouts », ont tout de même réussi à vivre sans dettes. Nous n’avions pas de voiture lorsque j’étais enfant, ni de télévision… maman avait une machine à laver le linge ce qui lui était bien plus utile qu’une voiture ou une télé… Mais quand papa a eu assez d’argent il a acheté une voiture et quelques temps plus tard une télé et pas n’importe laquelle ! Une télé couleur ! C’étaient les premiers modèles sur le marché et il voulait, d’une part, offrir à sa famille le meilleur et, d’autre part, il fallait que ça dure longtemps…. Pourtant il nous a appris qu’il ne fallait pas s’attacher au matériel ! Leçon de sagesse ! Eux qui ne gaspillaient rien, faisaient la différence entre avoir quelque chose… en profiter… et s’identifier à ce quelque chose ! Papa nous disait que tout cela pouvait être utile ou plaisant certes, mais qu’en aucun cas ça ne changerait quelque chose au plus profond de nous. Il nous a appris à respecter le matériel, mais pas à le déifier ! Leçon de sagesse!
Nous en avons reçues tant et tant, comme ça, des leçons de sagesse, tout naturellement… sans grande théorie, en toute simplicité… à travers les petites choses du quotidien. Il nous disait l’importance que cela représentait à ses yeux que de pouvoir honorer ses factures, ne pas avoir de dettes. Il nous partageait son bonheur d’avoir enfin de quoi faire une surprise à ceux qu’il aimait tant ! Il était heureux et n’avait jamais l’impression de manquer de quoi que ça soit, quand bien même il aurait peut-être souhaité le posséder… ou surtout pouvoir simplifier la vie de sa douce et bien-aimée, notre maman ! Il ne regardait pas à la dépense lorsqu’il s’agissait d’acquérir ce qu’il pensait être un « plus » pour elle. Nos parents n’achetaient pas pour acheter… comme nous le faisons tous de temps en temps… et pourtant ils n’étaient pas pingres ! J’ai rarement rencontré des gens aussi généreux qu’eux ! Prêts à partager l’essentiel qu’ils possédaient et non pas seulement le superflu comme c’est souvent le cas ! Ils avaient, l’un comme l’autre, « le coeur sur la main » et « le sourire au coeur ! »
Aujourd’hui je mesure toute l’ampleur de ce qui nous fut transmis, de toutes ces « leçons de sagesse. » Je ne peux les nommer autrement, tant elles sonnent juste au fond de mon coeur.
Partager à travers ce blog les richesses reçues, c’est un peu continuer à distribuer ce qu’ils ont semé… Nous ne voyons le résultat qu’au moment de la récolte !!!
Les graines de la paix
Comment ne pas faire référence à nos parents alors que j’ai écrit un article sur la paix dans un autre blog? Effectivement, une des bases de notre éducation a été le partage de la paix. Il était primordial pour notre maman que nous vivions entre nous dans une atmosphère de paix. Que nous n’entretenions pas les rancunes, les blessures, les chicaneries, les critiques ou les vexations actives dans nos coeurs. « La vengeance, disait notre maman, n’est pas souhaitable, et ne fait de tord qu’à celui qui la sert » ! Toute sa vie, elle nous a dit et redit l’importance de maintenir la paix dans nos coeurs et dans le milieu dans lequel nous vivions. Elle nous a démontré si souvent combien il était important de semer encore et encore les graines de la paix autour de nous, quand bien même les récoltes étaient maigres !!! Combien de fois n’a-t-elle pas fait le premier pas pour restaurer un climat de paix ? J’aurais tendance à dire qu’elle le faisait toujours, ce premier pas. Qu’elle ne baissait pas les bras et qu’elle croyait au pouvoir curateur de l’amour de la paix. Même s’il m’arrivais de ne pas comprendre pourquoi elle semait encore sur un sol qui, apparemment, était desséché, je finissais par comprendre l’importance de son geste, voyant que finalement, la terre était devenue prospère à force d’être nourrie et choyée. Ò chère maman, que belles étaient ta patience et ta persévérance, ta foi et ta confiance ! Que précieuses étaient tes actions silencieuses ! Tu as su semer en nous les graines de la paix, tu nous as montré comment en prendre soin, tu nous a expliqué leurs vertus curatives et surtout, tu nous as fait goûter au parfum et au délice de la paix ! Tu nous as appris à nous en servir judicieusement et généreusement !
Aujourd’hui, c’est avec émotion que je repense à tous ces moments et ces gestes tendres que tu nous as transmis pour répandre autour de nous la beauté de la paix et la vivre le plus simplement possible en nos coeurs. Grande est ma gratitude ! MERCI !
Va ton chemin !
Lorsque papa mourut, je fus réveillée par un bruit léger de pas allant et venant à côté de moi. Je ne compris pas tout de suite… je me levai, éprouvai le besoin de prier et de méditer… il était 4h30 du matin. C’est une heure où j’aime me lever pour prier, tout est calme, sans bruit, paisible. Ce matin-là toutefois, je fus interpelée, appelée à me lever ! Ces pas que j’avais entendus… résonnaient dans mon coeur, qui pourtant était paisible… Je priai jusqu’à 7h puis me préparai pour partir voir papa. A 8h30 je vis un message sur mon téléphone. Ma soeur m’annonçait la mort de papa. Je sus alors qu’il était mort à 4h30 et que les pas que j’avais entendus étaient un clin d’oeil, comme pour me dire : »Je m’en vais, l’heure est venue pour moi ».
En nous quittant, c’est comme si papa m’avait ouvert une porte imposante, donnant sur une immensité de Lumière et me disant : « Va ton chemin, marche et ne regarde pas derrière toi »
J’étais bouleversée, où donc devais-je marcher? c’est peu de jours après son enterrement que j’eus la certitude que je devais écrire ! Ecrire… oui… mais où… quoi??? Puis tout alla très vite… les blogs se dessinèrent et prirent forme en moi et les mots venaient à mon esprit, sans que ne n’aie à les chercher… Ils étaient là… attendant d’être mis en mouvement. Une nouvelle vie s’ouvrait à moi. Un nouveau chemin se dessinait et prenait forme sous mes yeux.
Je me devais de rendre hommage à nos parents, de partager la richesse de tout ce qui m’avait été confié, donné en héritage spirituel. Moi qui avait parcouru le monde à la recherche d’un Maître… Il était là, tout près de moi ! Des maîtres j’en ai rencontrés, oui, mais c’est quand même papa qui, finalement m’ouvrit « la grande porte » !
Grande est la Générosité et la Miséricorde de Dieu ! Al Hamdoulillah !
Dernière visite
Suite à une chute, papa avait dû se faire réopérer de la hanche. Cela devait être le vendredi Saint sauf erreur. Nous nous demandions toutes comment il allait réagir suite à cette opération et comment se déroulerait la rééducation… Nous nous interrogions… alors que lui prenait, comme il en avait l’habitude, les événements comme ils arrivaient ! Il avait une longue expérience de la vie, oui ! à 92 ans il avait eu le temps d’expérimenter et nous avait, plus d’une fois, démontré sa grande sagesse ! Comment pouvions-nous nous soucier de ses capacités à faire face à sa réalité ? Papa était un grand homme !
Ainsi donc, le jour de Pâques, lorsque nous lui avons rendu visite, la dernière semaine de sa vie était commencée, nous ne le savions pas encore, bien que nous le pressentions ! Il ne pouvait pratiquement plus parler, il était encore sous l’effet des médicaments post-opératoire, il dormait lorsque nous sommes arrivés… A son réveil, il était calme, souriant en nous voyant. Il nous accueillit comme à son habitude, cherchant au fond de nos regards un endroit pour nous rejoindre et nous faire savoir… ce qu’il ne pouvait plus nous dire avec les mots. Il nous montrait, loin devant lui… Il essayait de tendre ses bras… et ne pouvait pas articuler plus que « j’arrive pas ». Il se reposait alors, calme, son regard franc et doux posé sur nous. Il me tenait la main et la serrait comme pour me dire: « ça ira« . Ce jour là, il m’a embrassé une bonne dizaine de fois ! Jamais encore il ne m’avait tenu la main de cette façon, jamais encore il ne m’avait donné autant de becs.
Il fermait les yeux quelques minutes et cherchait à nouveau à me faire comprendre que « c’est à-bas que je dois aller « . Nous avons partagé un temps béni ! Joël s’était retiré quelques minutes, nous laissant seuls tous les deux. Papa le chercha du regard et me fit comprendre qu’il aimerait le voir. Quand il revint, il lui prit la main, comme il avait prit la mienne, et le regarda intensément. Ils partagèrent quelques chocolats, et quelque chose d’indicible… Nous restâmes encore un temps, puis le quittâmes, le coeur tranquille. Nous avions décidé de revenir vendredi… Ce fut notre dernière visite !
Durant cette semaine, sans que nous nous soyons concertées, chacune de nous alla lui rendre visite un jour. Il prit congé de chacune… Lorsque la cinquième le quitta, le jeudi soir, papa se retira gentiment… et lorsque Aurélie vint lui dire « bonne nuit » elle sut qu’il ne serait plus là le lendemain et qu’elle ne le reverrait plus… ni nous d’ailleurs. Elle sortit de la chambre, triste… disant aux infirmière : »il s’en va… » Ce fut pour elle aussi la dernière visite !
Il nous quitta le vendredi matin à 4 h 30, sans bruit, comme il avait vécut, soucieux de ne pas déranger…
Papa était un très grand homme et en nous quittant il nous fit don, à chacune, d’une richesse inestimable : LA GRANDEUR DE SON AMOUR !
Que soient bénis le jour où il naquit, le jour où il rencontra notre maman, le jour de la naissance de chacun de leurs enfants, le jour de la mort de maman et le jour de sa mort !
« Certes, nous sommes à Dieu et c’est à Dieu que nous retournerons » (Coran: II,156)
« Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » (Genèse: 3,19)
Rendez-vous
C’est à un rendez-vous bien particulier que notre papa a été convié lorsqu’il est entré au home ! Son installation faite, les repaires pris, autant pour lui que pour nous… eh oui ! nous avons dû, nous aussi, nous adapter au fait que nous ne serions plus les personnes les plus importantes pour lui ! Il avait désormais toute une équipe soignante pour le dorloter ! Nous devions nous mettre en retrait, laisser sa nouvelle vie prendre forme et bien qu’il ne nécessitait pas de traitement, faire confiance au personnel qui respecterait de ne pas lui administrer de médicaments par principe ! Ils ont été parfaits !
Papa, donc, quand il est entré au home avait encore une forme physique qui lui permettait de marcher chaque jour, simplement il perdait le sens de l’orientation et ne pouvait pas sortir seul, les infirmières ne pouvaient pas sortir marcher avec lui, il a donc été confié à une résidente, Aurélie. Ensemble ils sortaient chaque matin, chaque après-midi, papa attendait ces sorties… elles étaient précieuses. Quelques semaines s’écoulèrent, Aurélie appréciait la compagnie de notre papa; il était un homme de grande qualité, respectueux et de confiance. Elle l’a pris « sous sa garde », l’emmenant aux diverses activités, comme elle était en super forme et autonome elle allait à toutes… ainsi donc papa a été introduit naturellement. Il a découvert la vie du home avec joie et confiance. Aurélie devenait sa référence. Un jour où nous étions allés rendre visite à papa à l’improviste, nous le trouvâmes rayonnant, aux côtés d’Aurélie, à une animation « accordéon et danse », c’est ce jour-là que nous fîmes sa connaissance. Aurélie était veuve, résidente depuis six mois, elle reprit goût à la vie avec la compagnie de papa.
Quand la Vie donne rendez-vous au bonheur, elle n’a que faire de l’âge et du lieu ! Ainsi donc, ils furent les premiers surpris à éprouver du bonheur en compagnie l’un de l’autre. Puis le personnel du home n’en revenait pas ! C’était la première fois que des résidents vivaient un bonheur aussi simple que le leur. Ils ne cessaient de dire : « on ne sait même pas comment ça a pu nous arriver ! » Ils avaient les yeux étincelants de la Beauté du Bonheur ! Ils étaient purs et spontanés comme peuvent l’être les enfants. Nous étions tous ravis !
Maman dans ces derniers jours de vie avait dit à papa: « Tu ne resteras pas seul, tu devras continuer de vivre« ! Papa ne pouvait imaginer cela, non! Il continuerait de vivre oui, bien sûr, aussi longtemps qu’il le faudrait, mais il ne rencontrerait pas quelqu’un d’autre ! Ca il en était persuadé ! Nous ne connaissons pas les décrets divins qui nous sont réservés et nous ne pouvons pas nous y soustraire ! De cela aussi il en est devenu persuadé…
Aurélie, elle, disait: « C’est mon mari et le Seigneur qui ont mis le grand-père sur ma route » et de cela, elle en est toujours persuadée !
Ils ont passé deux ans de pur bonheur, simple, partageant tous les instants possibles de chaque jour. Deux ans dans un lieu que trop souvent chacun voit comme un « mouroir »… Le bonheur n’attend pas, il frappe à la porte de qui est prêt à l’accueillir et il réchauffe les coeurs de ceux qui ont ouvert leur porte !
Papa a eu raison de voir la vieillesse, bien avant d’aller au home, comme une richesse et non comme un handicap et une source de tristesse !
Il est dit dans le Coran comme dans la Bible : « Celui qui cherche avec ferveur, trouve » De cela aussi papa en a fait l’expérience… simplement ! et grâce à lui, nous en tirons aujourd’hui les fruits !
Home
Il y a quelques décennies à peine encore, mettre son ou ses parents au home était choquant, sujet à critique ou culpabilité… Aujourd’hui, c’est tout à fait naturel de procéder ainsi, parce qu’il n’y a pas d’autres alternatives ou si peu! Pourtant, l’image qui est véhiculée n’est pas toujours réjouissante voire même plutôt triste! Ce qui est le plus souvent retenu comme cliché, c’est des « vieux » aigris, qui n’ont plus goût à rien, qui ne bougent plus, ne s’intéressent plus à rien et sont délaissés. Or, si il y a effectivement une population de personnes âgées aigries, il y a aussi d’autres regards à poser sur ces lieux, sur ces personnes qui sont là, à attendre…
Le fait d’avoir vu notre papa vivre deux ans dans un home m’a permis de poser un regard neuf tant sur les résidents, que sur leur lieu de vie et que sur le personnel soignant et accompagnant.
Un home n’est autre qu’un lieu de retraite, dans le sens de lieu où les personnes âgées peuvent se retirer de leur ancrage en dehors de toute pression familiale ou sociale, se préparer à quitter ce qui a fait leur vie active; lieu où elles sont autorisées à oublier ce qui pourtant avait de l’importance à une époque, ce qui avait de l’importance pour l’entourage surtout parfois… où elles peuvent oublier autant le présent que le passé sans que cet oubli blesse! Ceci est bien différent que d’imaginer que c’est un lieu où elles sont mises en retrait de la vie! C’est en elles qu’elles ont besoin de se retirer, en elles qu’elles ont besoin de se rencontrer, de se raconter en toute sécurité. Le personnel soignant d’un tel établissement est justement formé à accompagner chaque individu dans son voyage vers lui-même avec patience. Il n’y a rien en jeu ! Il n’y a danger pour personne ! La vieillesse n’est pas une tare, c’est une richesse ! Elle ne devrait pas faire si peur… elle devrait pouvoir être accueillie comme est accueilli un nouveau-né, le coeur en fête et léger !
Côtoyer la vie qui s’en va est tout aussi important que de côtoyer la vie nouvellement venue! Je dirais que plus est célébrée la vieillesse, plus elle devient accueillante !
La vie au home peut être une source de grand bonheur et notre papa nous en a donné un bel exemple !
Nouvelle étape
Le temps passait, papa vivait à son rythme les changements imposés par la Vie. Il ferma progressivement son jardin, sans regrets, savourant simplement tout ce qu’il pouvait encore vivre et faire. Il acceptait comme il l’avait fait toute sa vie, le présent tel qu’il était. Quand il commença à avoir de la difficulté à parler, à ne plus pouvoir faire sortir les mots de sa bouche, il en fut bouleversé, certes, mais ne présenta jamais d’impatience ni d’irritabilité. Il acceptait les années comme un cadeau du ciel et la vieillesse comme une richesse. Il était entouré c’est vrai, mais c’était si bon pour nous d’aller passer du temps avec lui ! En fait je me demandais parfois qui entourait l’autre? Il était si présent, si content de nous voir et si peu exigeant ! Six années s’écoulèrent ainsi, durant lesquelles il s’occupa entièrement de son ménage, de la préparation de son pain, puis arriva progressivement le moment où il nous fit part de son souhait d’aller au home. Il tenait à pouvoir y aller pendant qu’il pouvait encore un peu s’exprimer. Il visita, s’inscrivit et se prépara intérieurement à cette nouvelle étape.
Le temps arriva finalement plus vite que prévu… il ne pouvait plus rester seul à la maison, nous ne pouvions le gérer à long terme entre nous. Il fut donc décidé de trouver un autre établissement rapidement. Fort heureusement, une solution se présenta, inespérée, et en quelques jours, tout fut organisé, préparé. Il était devant cette nouvelle réalité qui arrivait… Nouvelle étape de vie qu’il accueillait avec humilité. Il nous impressionna une fois encore par son acceptation des faits. Sa valise préparée, il quitta son appartement, prit congé de ce lieu où il vécut tant d’années de bonheur, ferma la porte derrière lui, serein, sans un regard en arrière… et partit. Aucune de nous, ni lui, ne pouvait imaginer à ce moment, ce qui l’attendait là-bas et ce que la Vie lui réservait ! Dans les semaines qui suivirent son entrée au home, il nous demanda de vider son appartement. Voilà ! Il avait tout laissé derrière lui… il ne possédait plus que ses quelques habits et un minimum d’affaires personnelles. Il était serein, léger et content ! Cette nouvelle étape s’annonçait, comme le reste de sa vie, simple et parfaitement naturelle !
Organisation
Après la mort de maman nous avons découvert un autre visage de notre papa ! En fait nous avons eu la grande chance de pouvoir le rencontrer dans sa douceur, dans l’acceptation qu’il avait de la situation et de la sérénité avec laquelle il la vivait, mais surtout, nous avons découvert un papa qui apprenait et appréciait que nous le choyons.
Naturellement une nouvelle organisation s’est mise en place. Sans que nous ayons eu besoin de jongler, l’une ou l’autre d’entre nous venait le visiter un jour de semaine, et chaque dimanche il était chez une autre… Nous avons connu des moments inoubliables de bonheur partagé avec ce papa. Nous avons toutes eu l’impression d’avoir ainsi pu profiter un maximum de sa présence et de sa grande sagesse. Lui qui n’avait jamais beaucoup parlé, se racontait, partageant simplement ses souvenirs et émotions, sans pour autant nous en charger… Il appréciait tout autant que nous ces rencontres.
Nous l’avons vu et connu durant toute notre enfance et jusqu’au décès de maman, comme un homme qui ne se souciait que du bien-être des autres. Il ne recherchait jamais son bien-être personnel ! Il était de ces hommes qui se dévouent aux autres avec plaisir, joie, reconnaissance et naturel !
Après le décès de sa bien-aimée, papa n’avait plus à s’occuper que de lui… ce qu’il apprit avec plaisir ! Il commença par s’accorder du temps pour faire une sieste, s’allonger au soleil juste pour le plaisir de sentir la douceur de la chaleur et savourer ces instants de grâce ! Il avait plaisir à marcher chaque jour, même seul, arpentant les chemins qu’ils avaient, ensemble, parcourus. Il se remémorait tant et tant de beaux souvenirs qu’il n’éprouvait pas de difficulté à se réjouir de marcher encore et encore sur les traces de leurs pas… Une fois de plus, il nous en apprenait sur sa grande faculté d’acceptation de tout ce que la vie lui présentait, comme elle le faisait, sans jamais s’en plaindre ni ressentir d’injustice ! Il n’était pas une victime de la vie, non ! Il était un Célébrant de la Vie !
Lui qui ne s’était jamais laissé masser, le demandait pour calmer les douleurs qu’il ressentait dans une hanche… et pour la plus grande surprise de nous toutes, il alla suivre une conférence, la première sans doute de toute sa vie, traitant des poses de prothèses de hanches et genoux! Il écouta attentivement, s’y intéressa, réfléchit… et quelques jours plus tard, alla voir le médecin. Ce dernier lui assurant que son excellent état de santé lui réservait encore une dizaine d’années à vivre et qu’une telle opération était donc envisageable notre papa prit rendez-vous chez le chirurgien et un mois plus tard il était en convalescence… avec une nouvelle hanche ! Comme il l’avait fait toute sa vie, pour tout ce qu’il entreprenait, il s’investit avec enthousiasme et confiance à la rééducation et retrouva en quelques semaines une marche bien assurée ! Il fut le premier surpris de ne plus ressentir de douleurs et ne cessait de nous dire combien il était content d’avoir pris la décision de cette opération qui lui changeait la vie !
Organisation… oui, la Vie ne cesse d’organiser le meilleur pour chacun… quand bien même il est tentant de penser que nous sommes l’artisan des changements d’organisation dans nos vies !
Grande et Majestueuse est l’Organisation de la Perfection du Plan divin !